Conseil d'Etat, 1° mars 2023, n°462648
Par un arrêt du 1er mars 2023, le Conseil d’Etat apporte des précisions en matière de délégations de compétences au maire, de préemption et d’exception d’illégalité.
Un des apports de cette décision est de retenir que la possibilité d’évoquer par voie d’exception d’illégalité des vices de légalité externe affectant un acte règlement est limitée :
« 8. En troisième lieu, si, dans le cadre d'une contestation d'un acte règlementaire par voie d'exception, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même.
9. Il s'ensuit que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant comme inopérante l'invocation par voie d'exception d'un vice de procédure entachant la délibération du 29 septembre 2017 de la communauté de communes de Flandres intérieure ayant délégué à la commune de Bailleul l'exercice du droit de préemption urbain pour l'acquisition du bien en cause, alors même qu'à la date à laquelle le moyen a été soulevé, le délai de recours contentieux contre cette délibération n'était pas expiré. ».
L’autre apport de cette décision est d’acter que : la délégation du conseil municipal vers le Maire doit être expressément repise par l’organe délibérant si celui-ci veut agir en ce domaine, en lieu et place du maire, d’une part, et de rappeler que la délégation du conseil vers le maire peut être pour la durée du mandat et elle peut s’appliquer même aux délégations, postérieures, de l’intercommunalité vers la Commune, d’autre part, (comme déjà énoncé dans la décision, CE, 28 janvier 2021, req. n°429584) :
« 3. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Le maire peut, (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues à l'article L. 211-2 ou au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal (...) ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 2122-23 du même code : " Le conseil municipal peut toujours mettre fin à la délégation ". L'article L. 211-2 du code de l'urbanisme prévoit, dans sa rédaction alors applicable, que : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre / Toutefois, la compétence d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, (...) ainsi que celle de la métropole de Lyon en matière de plan local d'urbanisme, emporte leur compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain. (...) " Le premier alinéa de l'article L. 213-3 du même code dispose que : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'État, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire ". Il résulte de ces dispositions que le conseil municipal a la possibilité de déléguer au maire, pour la durée de son mandat, en conservant la faculté de prendre à tout moment une délibération mettant fin explicitement à cette délégation, l'exercice des droits de préemption dont la commune est titulaire ou délégataire afin d'acquérir des biens au profit de celle-ci.
4. Pour écarter le moyen tiré de l'incompétence entachant la délibération du 12 octobre 2017 du conseil municipal décidant d'exercer le droit de préemption urbain en vue d'acquérir un bien immobilier et d'autoriser le maire à signer tout acte à cet effet, la cour administrative d'appel a jugé que, sans qu'y fasse obstacle la délibération du 16 juin 2016 prise sur le fondement de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales déléguant au maire l'exercice du droit de préemption pour la durée de son mandat, le conseil municipal avait pu régulièrement décider, par la délibération du 12 octobre 2017, de se ressaisir de l'exercice de ce droit, qui lui avait été délégué pour l'opération litigieuse par une délibération du 29 septembre 2017 de la communauté de communes de Flandres intérieure, titulaire de ce droit
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les requérants sont fondés à soutenir, par un moyen qui n'est pas nouveau en cassation, qu'en jugeant, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du conseil municipal pour prendre la délibération litigieuse, que le conseil municipal s'était par cette délibération implicitement ressaisi de l'exercice du droit de préemption, alors qu'une décision de mettre fin à une délégation au maire du droit de préemption ne peut être prise que par une nouvelle délibération abrogeant de manière explicite la délégation consentie, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit "
« 6. En premier lieu, il résulte également de ce qui a été dit au point 3 que la circonstance que la délibération du 16 juin 2016 déléguant au maire l'exercice du droit de préemption soit antérieure à la délégation, le 29 septembre 2017, par la communauté de communes de Flandres intérieure, du droit de préempter le bien litigieux est sans incidence sur la compétence que le maire de Bailleul tenait de la délibération du 16 juin 2016 pour toute la durée de son mandat pour exercer au nom de la commune les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, pourvu que celle-ci en soit titulaire ou délégataire à la date de la préemption. Par suite, en l'absence de délibération ayant abrogé la délégation consentie par le conseil municipal au maire, celui-ci demeurait en tout état de cause compétent pour prendre l'arrêté du 13 octobre 2017, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que, comme il a été dit, le conseil municipal ait, à tort, par sa délibération du 12 octobre 2017, cru pouvoir exercer le droit de préemption au nom de la commune et devoir autoriser le maire à signer les actes nécessaires à cette fin ».