CONDITIONS ET DELAIS DANS LESQUELS L’ADMINISTRATION PEUT RETIRER UNE REINTEGRATION PRISE EN EXECUTION D’UNE DECISION JURIDICTIONNELLE NON DEFINITIVE
Conseil d’Etat, 9 décembre 2022, n°451500
Par un arrêt du 9 décembre 2022, la Section du contentieux du Conseil d’Etat a précisé dans quelles conditions et dans quel délai l’administration peut revenir sur une décision de réintégration d’un agent prise en exécution d’une décision juridictionnelle non définitive.
En l’espèce, M. B. avait été révoqué de ses fonctions d’adjoint administratif au sein du département de la Seine-Saint-Denis pour motif disciplinaire. Mais, l'exécution de cette sanction a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, qui a ordonné la réintégration provisoire de l'intéressé, avant d’être annulée par ce même tribunal. Toutefois, le département de la Seine-Saint-Denis a fait appel de ce jugement et la cour administrative d'appel de Versailles l'a annulé. Cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi en cassation, pendant devant le Conseil d'Etat.
Mais, entretemps, en exécution de l'ordonnance de suspension du juge des référés du TA Montreuil, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a réintégré, à titre provisoire, M. A., puis a retiré sa décision à la suite de l’arrêt de la CAA de Versailles. Mais, M. A. a alors demandé au juge des référés du TA de Montreuil de suspendre l'exécution de ce retrait. Ce juge a fait droit à sa demande.
Saisie de cette dernière ordonnance, la Section du contentieux affirme que, _« en cas d'annulation, par une décision du juge d'appel, du jugement ayant prononcé l'annulation de la décision portant révocation d'un agent public, et sous réserve que les motifs de cette décision juridictionnelle ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à une nouvelle décision de révocation, l'autorité compétente ne peut retirer la décision de réintégration prise en exécution du premier jugement que dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la notification à l'administration de la décision rendue en appel. Passé ce délai et dans le cas où un pourvoi en cassation a été introduit contre l'arrêt ayant confirmé la révocation de l'agent, l'autorité compétente dispose à nouveau de la faculté de retirer la décision de réintégration, dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la réception de la décision qui rejette le pourvoi ou de la notification de la décision juridictionnelle qui, après cassation, confirme en appel l'annulation du premier jugement. Dans tous les cas, elle doit, avant de procéder au retrait, inviter l'agent à présenter ses observations _».
Par ailleurs, « lorsque la réintégration d'un agent public révoqué a été prise en exécution d'une décision de justice, l'intéressé a droit de percevoir la rémunération correspondant à ses fonctions. Il ne peut en aller différemment qu'en cas d'absence de service fait, lorsque cette absence résulte du refus de l'agent d'effectuer les missions qui lui sont alors confiées ou lorsqu'une mesure ordonnée par l'autorité judiciaire fait obstacle à l'exercice par l'intéressé de toute fonction au sein des services de son administration. Les sommes ainsi versées à titre de rémunération ne peuvent, sauf absence de service fait dans les conditions précédemment énoncées, faire l'objet d'une répétition ».
Or, « il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a, par arrêté du 8 septembre 2017, réintégré à titre provisoire M. A. dans ses fonctions, en exécution de l'ordonnance du 13 juillet 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, avant de retirer cette décision par arrêté du 19 janvier 2021, à la suite de l'arrêt du 4 septembre 2019 de la cour administrative d'appel de Versailles, infirmant le jugement du 22 janvier 2018 du même tribunal qui avait annulé la décision de révocation. Ainsi qu'il a été dit[…], cette décision de réintégration ne pouvait être retirée que dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement. Par suite, en retenant comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué le moyen tiré de ce qu'à la date du 19 janvier 2021 le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement retirer la décision de réintégration prise à la suite de la suspension de la décision du 26 avril 2017 portant révocation de M. A., le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil n'a pas commis d'erreur de droit ».
Source : Fil DP