Conseil d'Etat, 2 juin 2023, n°461645
Par un arrêt du 2 juin 2023 , le Conseil d’Etat a apporté quatre précisions en matière d’urbanisme :
- des précisions sur la suppression temporaire de l’appel en zone tendue
- l’impossibilité pour l’autorité instruisant un permis d’imposer des formalités non prévues par le code de l’urbanisme
- la non-préservation du délai de recours contre les autres prescriptions quand le recours gracieux n’a porté que sur certaines d’entre elles
- la possibilité sous condition pour le règlement du PLU de renvoyer à un « cahier de recommandations architecturales.
En l’espèce, par un arrêté du 5 août 2020, le maire de la commune de Montgeron a délivré à la SCI du 90-94 avenue de la République un permis de construire en vue de la surélévation d'un immeuble dont la SCI était propriétaire et de la réalisation, dans la partie ainsi surélevée, de huit logements. Ce permis de construire était assorti de douze prescriptions. La SCI a formé un recours gracieux, le 5 octobre 2020, contre sept de ces prescriptions, et a ensuite demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du maire lui délivrant un permis de construire, en tant qu'il comportait l'ensemble des prescriptions qui lui étaient attachées. Ce tribunal n’a qu’annulé les prescriptions relatives aux volets extérieurs et aux modèles des portes d'accès, et rejeté le surplus des conclusions de la société.
Saisie à son tour, la haute assemblée commence par s’interroger sur sa compétence. Elle estime alors que les dispositions de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative « qui ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l'offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d'opérations de construction de logements, dérogent aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative qui prévoient que " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance ", et doivent donc s'interpréter strictement. Si ces dispositions sont susceptibles de s'appliquer aux permis de construire autorisant la réalisation de travaux sur une construction existante, c'est à la condition, d'une part, que les travaux ainsi autorisés aient pour objet la réalisation de logements et, d'autre part, que ces travaux aient un usage principal d'habitation, c'est-à-dire consacrent plus de la moitié de la surface de plancher autorisée à l'habitation ».
Or, si le bâtiment, d'une surface de 862 m2, sur lequel va être réalisée l'extension autorisée par le permis délivré à la société requérante était exclusivement destiné au commerce, le projet de surélévation porte sur une surface de 414 m2, laquelle est entièrement destinée à l'habitation. Les travaux ainsi autorisés portant sur une surface dont plus de la moitié est destinée à l'habitation, puisqu'elle est même exclusivement destinée à un tel objet, le permis doit être considéré comme autorisant des travaux à usage principal d'habitation au sens et pour l'application de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative.
En ce qui concerne les prescriptions attachées au permis de construire, les juges du Palais-Royal précisent « que le recours gracieux formé par la société requérante n'était dirigé que contre certaines des prescriptions attachées au permis de construire qui lui a été délivré, et que le délai de recours contentieux contre les autres prescriptions non contestées dans le recours gracieux était écoulé quand la société a saisi le tribunal administratif. Par suite, c'est sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier que le tribunal administratif a jugé que les conclusions de la requête dirigées contre les prescriptions qui n'avaient pas été contestées dans le cadre du recours gracieux étaient irrecevables car tardives ».
En outre, le Conseil d’Etat indique que les articles L. 152-1, L. 151-2 et L. 151-8 du code de l'urbanisme d'une part et L. 151-18 et R. 151-10 d'autre part, « ne font pas obstacle à ce que le règlement du plan local d'urbanisme renvoie à un cahier de recommandations architecturales , adopté selon les mêmes modalités procédurales, le soin d'expliciter ou de préciser certaines des règles figurant dans le règlement auquel il s'incorpore. Un** tel document ne peut toutefois être opposé aux demandes d'autorisation d'urbanisme** que s'il y est fait expressément référence dans le règlement et que ce cahier se contente d'expliciter ou préciser, sans les contredire ni les méconnaître, des règles figurant déjà dans le règlement ».
Or, « Le tribunal administratif a relevé qu'en l'espèce, le cahier des recommandations architecturales annexé au plan local d'urbanisme de la commune, dont l'article 11 précité du règlement indique expressément qu'il vient en compléter les dispositions et qui mentionne, lui-même, dès son introduction qu'il est un complément qualitatif indispensable au plan local d'urbanisme et à son règlement devait être pris en compte par le pétitionnaire dans le cadre de l'élaboration de son projet, les auteurs du plan local d'urbanisme ayant entendu le rendre opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme. Il résulte de ce qui a été dit […] qu'en se fondant sur ces motifs pour en déduire que le cahier des recommandations architecturales, annexé au plan local et auquel le règlement se référait expressément, était opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme, le tribunal administratif de Versailles n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit.
En revanche, le Conseil d’Etat estime qu’il résulte des articles L. 423-1 et L. 424-7 du code de l'urbanisme « qu'il n'appartient pas à l'autorité qui est compétente pour instruire et délivrer un permis de construire d'imposer des formalités non prévues par le code de l'urbanisme pour la mise en œuvre de l'autorisation délivrée. Dès lors, en reconnaissant à l'administration la possibilité de subordonner la mise en œuvre de certaines des prescriptions attachées au permis de construire à un " avis " préalable de la commune, formalité qui n'est prévue par aucune disposition du code de l'urbanisme, le tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit ».
Source: Fil DP