Lettres ou permis de construire accordés ou refusés n'interrompent pas le cours de la prescription quadriennale de la créance.

Conseil d'Etat, 19 juin 2024, n° 473965

Dans une décision rendue le 19 juin 2024 (req. n°473965), le Conseil d’État considère que les lettres ou permis de construire accordés ou refusés n’interrompent pas le cours de la prescription quadriennale de la créance dont se prévaut le lotisseur à la suite de l’annulation de la délibération approuvant la partie du PLU permettant la création du lotissement,, s’il n’y est pas question du fait générateur, de l’existence, du montant ou du paiement de cette créance.

Pour mémoire, les articles 1 et 2 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics portent sur la prescription de toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis et l’interruption de celle-ci.

Les faits ayant donné lieu à la décision du 19 juin 2024 sont les suivants : Par un arrêté du 18 octobre 2008, le maire de Donnery a délivré à la société Les Jardins Fleury un permis d'aménager un lotissement destiné à la construction de quinze maisons d'habitation sur des parcelles situées en zone AUg du plan local d'urbanisme. Après acquisition des terrains le 5 mars 2009, la société a déposé le 21 avril 2010 une déclaration d'achèvement des travaux d'aménagement.

Par un jugement du 25 mai 2010, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la délibération du 22 novembre 2007 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Donnery au motif que la création d'un sous-secteur AUg en limite de la zone Ng, à la seule fin d'accueillir un lotissement, était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un courrier du 22 décembre 2017, la société Les Jardins Fleury a demandé au maire de Donnery, qui lui a opposé un refus le 6 février 2018, de l'indemniser du préjudice financier résultant selon elle de l'illégalité fautive de la délibération du 22 novembre 2007 et tenant aux dépenses engagées pour l'aménagement du lotissement et à l'impossibilité de procéder à la valorisation des terrains par leur vente, du fait de leur caractère inconstructible.

Par un jugement du 16 octobre 2020, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la société Les Jardins Fleury tendant à la condamnation de la commune à la réparation de ce préjudice.

La société Les Jardins Fleury se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 mars 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

Le Conseil d’État déduit des articles 1 et 2 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics que :

« 3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le fait générateur de la créance dont la société requérante se prévalait était l'illégalité fautive de la délibération du 22 novembre 2007 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Donnery. En jugeant que ni les courriers, au demeurant antérieurs au 1er janvier 2011, date à laquelle la prescription quadriennale a recommencé à courir à la suite du jugement du 25 mai 2010 annulant cette délibération, par lesquels le maire de la commune puis le préfet ont pris position sur la possibilité, notamment au bénéfice de la cristallisation pendant cinq ans des dispositions d'urbanisme prévue par l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme en cas d'autorisation de lotissement, de délivrer des permis de construire en dépit de cette annulation, lesquels se bornent à évoquer les conséquences de cette annulation sans mentionner une quelconque créance, ni les différents arrêtés par lesquels le maire a, entre 2011 et 2013, délivré ou refusé de délivrer des permis de construire sur ces terrains et les courriers de 2011 par lesquels le préfet a fait connaître les suites qu'il entendait y donner dans le cadre du contrôle de légalité ne pouvaient être regardés comme se prononçant, au sens de l'article 2 précité de la loi du 31 décembre 1968, sur le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement de la créance litigieuse et ainsi comme ayant été susceptibles d'avoir interrompu le cours de la prescription quadriennale en application de ces dispositions, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le seul fait générateur de sa créance invoqué par la société requérante devant le tribunal administratif était l'illégalité fautive de la délibération du 22 novembre 2007 approuvant le plan local d'urbanisme de Donnery, les prises de position du maire et du préfet quant à la constructibilité des terrains du lotissement n'étant invoquées qu'à l'appui de son moyen tiré de l'absence de prescription de sa créance. Par suite, en jugeant que la société requérante ne pouvait se prévaloir d'un nouveau fait générateur constitué par le caractère fluctuant de ces prises de positions, qu'elle invoquait pour la première fois en appel, la cour, qui s'est livrée à une appréciation souveraine exempte de dénaturation, ne s'est pas méprise sur la portée de ses écritures de première instance et n'a pas commis d'erreur de droit. »