Conseil d'Etat, 18 décembre 2024, n°490711

En mars dernier, le Conseil d’Etat avait considéré que le juge ne peut faire application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme lorsque l'autorisation d'urbanisme litigieuse a été obtenue par fraude (CE, 11 mars 2024, n° 464257).

Autrement dit, un permis frauduleux n'est pas régularisable par un permis de construire modificatif.

Par un arrêt du 18 décembre 2024, il prolonge sa jurisprudence en considérant qu'un permis modificatif spontané, délivré en cours d'instance ou hors prétoire, ne peut davantage couvrir une fraude initiale.

Le litige portait sur un permis de construire autorisant un changement de destination et des travaux de modification du bâti en vue de transformer des bureaux en logements. Au soutien de sa requête, le requérant invoquait une illégalité pour fraude, le pétitionnaire ayant présenté délibérément, dans son dossier de demande initiale, des informations erronées sur le terrain d'assiette qui, selon lui, étaient de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet.

La défense avait alors produit, en cours d'instance, un permis de construire modificatif délivré sur la base d'un dossier de demande rectifié. Sans même se prononcer sur l'existence de la fraude alléguée, le tribunal administratif avait écarté le moyen comme inopérant, jugeant que le dossier du modificatif avait corrigé le dossier initial sur ce point. Son jugement est censuré pour erreur de droit.

Ce jugement a été censuré. Selon le Conseil d'État, l'illégalité du permis frauduleux n'est pas de nature à être régularisée par la délivrance d'un modificatif. Une telle illégalité peut donc être utilement invoquée à l'appui d'un recours contre le permis initial alors même qu'un permis modificatif est intervenu :

« 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 10 mai 2022, le maire de Villennes-sur-Seine a délivré à la société HLM immobilière 3F un permis de construire portant sur un changement de destination ainsi que des travaux de modification d'un bâtiment existant en vue de créer douze logements. Après que M. G... et autres ont demandé au tribunal administratif de Versailles l'annulation de cet arrêté, le maire de Villennes-sur-Seine, par un arrêté du 17 février 2023, a délivré à la société HLM immobilière 3F un permis de construire modificatif. M. G... et autres se pourvoient en cassation contre le jugement du 9 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés ainsi que du rejet de leurs recours gracieux.

2. Lorsqu'un permis de construire initial a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial. Toutefois, lorsqu'un permis de construire a été obtenu par fraude, l'illégalité qui en résulte n'est pas de nature à être régularisée par la délivrance d'un permis de construire modificatif. Il s'ensuit qu'une telle illégalité peut être utilement invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial alors même qu'un permis modificatif aurait été délivré.

3. Il résulte de ce qui précède qu'en se fondant, pour écarter comme inopérant le moyen tiré de ce que la société HLM immobilière 3F avait présenté de manière intentionnelle des informations erronées sur le terrain d'assiette du projet dans son dossier de demande de permis de construire, de nature selon les requérants à tromper l'administration sur la réalité du projet, et de ce que le permis de construire litigieux aurait ainsi été obtenu par fraude, sur la circonstance que le dossier de permis de construire modificatif avait modifié la demande sur ce point, le tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit.».