Cass. Crim. 11 janvier 2023, n°21-19.778
Dans un arrêt du 11 janvier 2023 (n°21-19778), la Cour de cassation apporte des précisions sur l’interprétation de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, en considérant que l’insuffisance de l’étude d’impact peut fonder l’action en démolition devant le juge judiciaire, dès lors que la recevabilité et le bien-fondé de l’action est subordonné à l’annulation du permis de construire et à la seule localisation géographique de la construction à l'intérieur de l'une des zones visées par le texte, sans qu'il soit nécessaire que la construction ait été édifiée en violation du régime particulier de protection propre à cette zone.
Ce faisant, cette décision confirme celle de novembre 2022 rendue concernant un plan de prévention des risques :
9 Selon le premier de ces textes, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l'article L. 600-6, si la construction est située dans l'une des zones limitativement énumérées
10 Aux termes du second, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
11 Il en résulte que toute méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé, dès lors que le demandeur à l'action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation.
12 Pour rejeter les demandes, l'arrêt relève qu'il s'évince de l'arrêt du 26 janvier 2017 de la cour administrative d'appel que l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 avril 2013 était motivée par une insuffisance de l'étude d'impact relative à la présence d'un couple d'aigles royaux dans le massif de l'Escandorgue au moment où le préfet de l'Hérault a pris cet arrêté.
13 Il en déduit que la construction du parc éolien de [Localité 4] n'a pas été édifiée par la société ERL en méconnaissance de règles d'urbanisme ni de servitudes d'utilité publique applicables en l'espèce, véritables règles de fond en matière d'utilisation des espaces et non simples règles de procédure, au sens de l'article L. 480-13, a), du code de l'urbanisme.
14 En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
16 Selon ce texte, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l'article L. 600-6 du même code, si la construction est située dans l'une des zones qu'il énumère.
17 Il résulte de ce texte que la condamnation à démolir une construction édifiée en méconnaissance d'une règle d'urbanisme ou d'une servitude d'utilité publique et dont le permis de construire a été annulé est subordonnée à la seule localisation géographique de la construction à l'intérieur de l'une des zones visées, sans qu'il soit nécessaire que la construction ait été édifiée en violation du régime particulier de protection propre à cette zone.
18 Pour rejeter les demandes des associations, l'arrêt, qui constate que celles-ci soutiennent que le parc éolien a été édifié dans un espace caractéristique du patrimoine naturel et culturel montagnard mentionné aux articles L. 122-9 et L. 122-26, 2°, du code de l'urbanisme, identifié et délimité par des documents réglementaires relatifs à l'occupation et à l'utilisation des sols, dans un périmètre d'une servitude relative aux installations classées pour la protection de l'environnement instituée en application de l'article L. 515-8 du code de l'environnement et dans un secteur délimité par le plan local d'urbanisme en application des articles L. 151-19 et L. 151-23 du code de l'urbanisme, soit dans une zone relevant des a), j) et n) de l'article L. 480-13, 1°, du code de l'urbanisme, retient qu'elles ne précisent pas les dispositions spécifiques des zones j) et n) qui pourraient être contraires à la construction de ce parc éolien ni n'articulent en fait et en droit une incompatibilité au cas d'espèce avec les dispositions des articles L. 122-9 et L. 122-26 du code de l'urbanisme ».
L’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier qui est censuré ici, avait opéré une distinction entre les règles de fond dont la méconnaissance est seule susceptible d’ouvrir droit à l’action en démolition prévue par l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, et les simples règles de procédure dont la violation ne permet pas aux tiers d’engager une telle action sur le fondement de ces dispositions.
Mais, la Cour de cassation estime qu’il n’appartient pas au juge civil d’examiner pour quels motifs le permis a été annulé pour excès de pouvoir, pour statuer sur une action civile en démolition, sur le fondement de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme.
Autrement exprimé, toute violation d’une règle d’urbanisme, qu’il s’agisse d’une règle de fond ou d’une règle de procédure, ouvre ainsi la voie à une action en démolition fondée sur les dispositions dudit article L. 480-13, une fois le permis annulé et le terrain situé dans un des 14 secteurs prévus à l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme.