Conseil d'Etat, 4 février 2025, n°494180

Des demandes de pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme

Il résulte de l'article L. 423-1 et des articles R. 423-22, R. 423-23, R. 423-38, R. 423-39, R. 423-41 et R. 424-1 du code de l'urbanisme qu'à l'expiration du délai d'instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV de ce code relatives à l'instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir, naît une décision de non opposition à déclaration préalable ou un permis tacite.

En application de ces dispositions, le délai d'instruction n'est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme, c'est-à-dire lorsque cette pièce ne fait pas partie de celles mentionnées à ce livre.

Dans ce cas, une décision de non opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande puisse y faire obstacle.

En revanche, dans sa décision du 4 février 2025, req. n°494180, le Conseil d’Etat considère que la demande relative à l'une des pièces qui peuvent être exigées en application du livre IV du code de l'urbanisme fait obstacle à la naissance d'un permis tacite à l'expiration du délai d'instruction, la circonstance que la pièce ait pu être inutile étant sans incidence à cet égard.

« 4. Il résulte de ces dispositions et de celles des articles R. 423-22, R. 423-23, R. 423-38, R. 423-39, R. 423-41 et R. 424-1 du code de l'urbanisme prises pour leur application qu'à l'expiration du délai d'instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV de ce code relatives à l'instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d'instruction n'est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme, c'est-à-dire lorsque cette pièce ne fait pas partie de celles mentionnées à ce livre. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande puisse y faire obstacle.

5. A ce titre, l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme prévoit que : " La demande de permis de construire comprend : a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. 431-33-1 (...) / Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente ". Pour retenir l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué, le juge des référés s'est fondé sur l'illégalité de la demande de pièces complémentaires adressée le 5 juin 2023 à M. A... B..., portant, d'une part, sur la production d'une copie de la lettre du préfet relative au défrichement des parcelles du pétitionnaire et, d'autre part, sur la superficie exacte située en zone UD de ces parcelles. Toutefois, si la demande relative à la superficie exacte située en zone UD des parcelles ne porte pas sur une des pièces mentionnées au livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme, la lettre du préfet relative au défrichement des parcelles du pétitionnaire est mentionnée à l'article R. 431-19 du code de l'urbanisme et fait ainsi partie des pièces qui peuvent être exigées en application du livre IV de la partie réglementaire de ce code. La demande relative à cette lettre faisait donc obstacle en l'espèce à la naissance d'un permis tacite à l'expiration du délai d'instruction et à ce que la décision de refus de permis de construire en litige soit regardée comme procédant illégalement au retrait d'un tel permis tacite. Par suite, le juge des référés a, en jugeant le contraire, commis une erreur de droit.»

Dans les conclusions disponibles sur Arianeweb, le rapporteur public, Monsieur Thomas Janicot, invitait le Conseil d'État à ne pas s'interroger sur le bien-fondé de la demande afin d'éviter tout débat casuistique : soit la pièce figure dans la liste des documents composant la demande d'autorisation, auquel cas elle peut être demandée ; soit à l'inverse elle n'y figure pas et ne peut pas être sollicitée.

Aussi dans un arrêt récent, Commune de Saint-Herblain (CE, 09 décembre 2022, req. n°454521) le Conseil d’Etat avait jugé que le délai d'instruction d'une autorisation d'urbanisme n'est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application de l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme.

Comme l’écrit Monsieur Thomas Janicot, la logique de la décision de 2022 « pousserait à étendre sa solution aux demandes non nécessaires à l'instruction du projet, surtout lorsqu'elles chercheraient en réalité à gagner du temps d'instruction. Cette extension risque cependant d'être une source de complexité et d'insécurité juridique, puisqu'elle suppose pour le service instructeur et le pétitionnaire de pouvoir apprécier l'utilité d'une pièce pour instruire le dossier, ce qui n'a parfois rien d'évident, comme en témoigne ici le régime complexe de l'autorisation de défrichement » et le rapporteur public de préciser : « Nous concevons ce qu'une telle solution a de mécanique voire de rigide, notamment lorsqu'il sera évident, au vu du dossier, que la demande de pièce est dilatoire. » .