Cour Administrative d'Appel de Bordeaux, 5 novembre 2024, n°22BX02370

Par un arrêt rendu le 5 novembre 2024, la Cour administrative d’appel de Bordeaux estime que la délibération par laquelle l’autorité compétente institue le droit de préemption urbain et fixe son périmètre n’a pas le caractère d’un acte réglementaire et cesse d’être applicable à la date d’approbation de la révision du PLU:

« 2. Aux termes de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme : " La délibération par laquelle le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l'article L. 211-1, d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. / Les effets juridiques attachés à la délibération mentionnée au premier alinéa ont pour point de départ l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées audit alinéa. Pour l'application du présent alinéa, la date à prendre en considération pour l'affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué ".

3. Les obligations prévues à l'article R. 211-2 précité du code de l'urbanisme constituent des formalités nécessaires à l'entrée en vigueur des actes instituant le droit de préemption urbain. Ces formalités incombent à la commune, qui supporte dès lors la charge de la preuve de leur accomplissement

4. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 27 novembre 2013, le conseil municipal de la commune de Schoelcher a institué le droit de préemption urbain dans toutes les zones urbaines (U) et à urbaniser (AU) délimitées dans le document graphique du plan local d'urbanisme issu de la délibération du 11 avril 2013 approuvant la révision du document d'urbanisme adopté le 14 mars 2006. En se bornant à se référer à la mention figurant sur la délibération selon laquelle elle " fera l'objet des formalités de publicité requises ", la commune ne démontre pas que les formalités d'affichage en mairie et de mention de cet affichage dans deux journaux diffusés dans le département ont été effectivement réalisées. Dans ces conditions, la délibération du 27 novembre 2013 définissant le périmètre d'exercice du droit de préemption urbain dans le territoire de la commune, qui n'était pas entrée en vigueur, n'était pas applicable à la date de l'arrêté en litige et n'a pu en constituer la base légale.

5. La commune de Schoelcher fait toutefois valoir que les délibérations du 17 février 1994 et du 21 mars 2006 instituant le droit de préemption urbain antérieurement à la révision du plan local d'urbanisme approuvée par la délibération du 11 avril 2013 peuvent fonder légalement l'arrêté en litige dès lors que la parcelle en cause était déjà incluse dans le périmètre d'exercice du droit de préemption. Cependant, dès lors d'une part que la procédure de révision d'un document d'urbanisme, par le renvoi qu'opère l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme aux articles L. 123-6 à L. 123-12, suit les mêmes règles que celles qui encadrent l'élaboration du plan local d'urbanisme, et que d'autre part la délibération par laquelle l'autorité compétente institue le droit de préemption urbain et fixe son périmètre n'a pas le caractère d'un acte réglementaire, cette délibération cesse d'être applicable à la date d'approbation de la révision du plan local d'urbanisme. Il s'ensuit que la commune ne peut utilement se prévaloir des délibérations antérieures à celle du 11 avril 2013 approuvant la révision de son plan local d'urbanisme pour justifier de la base légale de l'arrêté en litige du 15 janvier 2021 par lequel elle a exercé le droit de préemption ».

Cette position est extrêmement sévère et pour le moment inédite.

Jusqu’à présent, dès lors que le terrain était classé en zone U ou AU précédemment et donc inclus dans le périmètre du droit de préemption urbain, le juge administratif considérait que la décision d’exercice du droit de préemption était régulière, même si le droit de préemption urbain n’avait pas été actualisé à la suite d’une évolution du zon age.

Voir en ce sens, récemment, TA Dijon 06 avril 2023, req. n°2102118 :

« 5. En l'espèce, le droit de préemption sur les zones urbaines et d'urbanisation futures du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) a été instauré par délibération du 12 mai 2011. La CUCM apporte la preuve de l'accomplissement des formalités de publicité de cette délibération nécessaire à son entrée en vigueur conformément aux dispositions de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme précitées.

6. Si un nouveau plan local d'urbanisme intercommunal valant programme local d'habitat (PLUiH) a été adopté par délibération du 16 juillet 2020, cette circonstance n'était pas de nature à rendre caduque la délibération du 12 mai 2011 instituant le droit de préemption urbain. Le nouveau PLUiH n'a pas eu pour effet de faire sortir la parcelle AS 298, objet du litige, du périmètre des zones urbaines sur lesquelles s'exerce le droit de préemption . Dès lors, cette parcelle pouvait légalement faire l' objet d'une décision de préemption sur le fondement de la délibération du 12 mai 2011 instituant un droit de préemption urbain. Le moyen tiré du défaut de base légale doit par suite être écarté ».

Voir également, CAA Nancy, 04 février 2009, req. n° 08NC00704 et CAA Marseille, 17 décembre 2010, req. n° 09MA01495.